Introduction aux Principes de Jogyakarta

Introduction aux Principes de Jogyakarta

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Tous les droits humains sont universels, interdépendants, indivisibles et intimement liés. L’orientation sexuelle[1] et l’identité de genre[2] font partie intégrante de la dignité et de l’humanité de toute personne et ne doivent pas être à l’origine de discriminations ou d’abus. De nombreux progrès ont été faits pour permettre aux individus de toutes orientations sexuelles et identités de genre de vivre dans la même dignité et le même respect auxquels toute personne a droit.

Nombreux sont les États qui ont adopté des lois et une constitution garantissant les droits à l’égalité et à la non-discrimination, sans distinctions de sexe, d’orientation sexuelle et d’identité de genre. Néanmoins, les violations de droits humains dont sont victimes certaines personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, réelle ou perçue, constituent une source réelle de préoccupation profonde à l’echelle mondiale.

Elles consistent en des assassinats extrajudiciaires, des tortures et des mauvais traitements, des agressions sexuelles et des viols, des intrusions dans la vie privée, des détentions arbitraires, des refus d’opportunités d’emploi et d’éducation, et de graves discriminations empêchant la jouissance d’autres droits humains. Ces violations sont souvent aggravées par d’autres formes de violence, de haine, de discrimination et d’exclusion, telles que celles fondées sur la race, l’âge, la religion, le handicap, la situation sociale, économique ou autre.

Nombreux sont les États et les sociétés qui imposent aux individus des normes en matière de genre et d’orientation sexuelle par l’entremise de coutumes, de lois et de violences, et qui cherchent à contrôler la façon dont ces individus vivent leurs relations personnelles et s’identifient eux-mêmes. Ce contrôle de la sexualité demeure une force majeure derrière d’incessantes violences liées au genre et à l’inégalité entres les sexes. Le système international a connu de grands progrès en direction de l’égalité des sexes et des protections contre les violences sociétales, communautaires et familiales.

De plus, les mécanismes clefs en matière de droits humains des Nations Unies ont affirmé l’obligation qui incombe aux États de garantir à tous une protection efficace contre toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Cependant, la réponse internationale à ces violations de droits humains liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre a été fragmentée et inconsistante.

Pour répondre à ces manquements, il est nécessaire d’avoir une compréhension cohérente de l’ensemble du régime de droit international en matière de droits humains et de son application aux questions liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. Il est crucial d’assurer une vue d’ensemble et de clarifier les obligations qui incombent aux États sous le régime actuel de droit international en matière de droits humains, de manière à promouvoir et à protéger tous les droits humains de tous sur une base d’égalité et sans discrimination.

La Commission internationale de juristes et le Service international pour les droits de l’homme ont entrepris, au nom d’une coalition d’organisations de défense des droits humains, de développer une série de principes juridiques internationaux sur l’application du droit international aux violations des droits humains fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, afin d’apporter une plus grande clarté et une plus grande cohérence aux obligations qui incombent aux États en matière de droits humains.

Un groupe d’experts distingués a rédigé, développé, discuté et mis au point ces Principes. Suite à une réunion tenue à l’Université Gadjah Mada de Jogjakarta, en Indonésie, du 6 au 9 novembre 2006, ces 29 experts éminents, venus de 25 pays, avec des expériences diverses et une expertise en matière de législation en droits humains, ont adopté à l’unanimité les Principes sur l’application du droit international des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre. Le rapporteur de cette réunion, le Professeur Michael O’Flaherty, a apporté une immense contribution à la rédaction et à la révision des Principes.

Son engagement et ses efforts inlassables ont été cruciaux pour la réussite de ce projet. Les Principes de Jogjakarta abordent un large éventail de normes en matière de droits humains et leur application à des enjeux relatifs à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. Les Principes affirment l’obligation primordiale des États de mettre en application les droits humains. Chaque Principe est assorti de recommendations détaillées adressées aux États.

Les experts insistent cependant sur le fait que tous les acteurs ont la responsabilité de promouvoir et de protéger les droits humains. Des recommandations additionnelles sont adressées à d’autres acteurs, y compris les organes des droits humains des Nations Unies, les institutions nationales de défense des droits humains, les médias, les organisations non gouvernementales et les bailleurs de fonds.

Les experts sont d’avis que les Principes de Jogjakarta reflètent l’état actuel du droit international des droits humains en rapport avec les enjeux relatifs à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. Ils reconnaissent également que les États puissent se voir imposer des obligations supplémentaires du fait de l’évolution constante de la législation en matière de droits humains. Les Principes de Jogjakarta affirment les normes juridiques internationales obligatoires auxquelles les États doivent se conformer. Ils promettent un futur différent, où tous les êtres humains, nés libres et égaux en dignité et en droits, pourront jouir de ces précieux droits acquis lors de leur naissance même.

Sonia Onufer Corrêa          Vitit Muntarbhorn
Co-Présidente                     Co-Président

[1] L’orientation sexuelle est comprise comme faisant référence à la capacité de chacun de ressentir une profonde attirance émotionnelle, affective et sexuelle envers des individus du sexe opposé, de même sexe ou de plus d’un sexe, et d’entretenir des relations intimes et sexuelles avec ces individus.
 
[2] L’identité de genre est comprise comme faisant référence à l’expérience intime et personnelle de son genre profondement vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres) et d’autres expressions du genre, y compris l’habillement, le discours et les manières de se conduire.